Maroquinerie

Architecture remarquable — Auteur : — Description de l'édifice

D’une surface de 5 230 m² et implantée sur une parcelle de plus de trois hectares étendue à flanc de coteau et située à une centaine de mètres de la rive de la Meuse, la manufacture est conçue selon un plan rectangulaire allongé. Construit en porte-à-faux sur le dénivelé (bien visible depuis la vallée), le vaste bâtiment de 104 mètres de long sur 52 mètres de large présente, légèrement en retrait de l’avenue des Marguerites (zone d’activités où sont implantées d’autres entreprises) et sur un fond de massif forestier, un large plan horizontal disposé parallèlement à la clôture ajourée le long de la voirie. L’édifice se déploie horizontalement sur un registre unique. Seul un élément rompt l’aspect linéaire de cette façade : correspondant à l’entrée de l’édifice accessible par une longue passerelle métallique, une « nef » est disposée au sud de la composition, au niveau de la cinquième travée du bâtiment. Deux fois plus haute que l’ensemble de la façade (atteignant 8,84 m), cette saillie en élévation correspond à un hall qui, en coupant le bâtiment dans sa longueur, constitue la principale artère de distribution des espaces intérieurs. Hormis les travées correspondant aux entrées de déchargement avec leurs portes protégées par des encadrements habillés de caoutchouc, toutes les élévations arborent un revêtement en verre, dont les plaques suivent systématiquement la trame uniforme de la structure ; ces grands panneaux en façade sont repris à l’intérieur, dans le cloisonnement des ateliers. Les menuiseries extérieures, en aluminium thermolaqué, contribuent à donner à l’ensemble un aspect fortement industriel et une teinte argentée au niveau des façades latérales, protégées du soleil par des panneaux d’aluminium – que vient agrémenter la couche de mulch de bois, de ton brun-roux, disposée dans les bacs d’aluminium de la toiture. Le choix des matériaux extérieurs est fonction du parti-pris paysager ayant présidé à l’aménagement de l’ensemble ; si du côté de la voirie, l’édifice volontairement bas dessine un trait accentuant la ligne d’horizon formée par le dénivelé, du point de vue de la vallée, la structure conçue en porte-à-faux s’érige entre ciel et terre et son aspect hautement technique s’efface, par le jeu des reflets sur ses surfaces, au profit des éléments qui peuplent son environnement immédiat. L’apparence générale de l’édifice, légère et épurée, est principalement dictée par sa structure monolithique en acier galvanisé de 720 tonnes. Dessinée à l’aide du logiciel 3D X-STEEL permettant une édition directe du bureau de dessin à l’atelier de fabrication (réduisant considérablement, grâce à la transmission des diverses nomenclatures et la rationalisation des approvisionnements en matériaux, l’assemblage sur place des divers éléments), elle se déploie selon une trame de base systématique de 17,40 mètres correspondant à la largeur des ateliers de travail du cuir. Conçue en porte-à-faux sur la pente, elle prend appui sur des piliers en béton armé. Les poteaux sont posés sur des appuis glissants, à l’exception de deux files orthogonales d’appuis bloqués, permettant ainsi l’absence de joints de dilatation thermique entre poteaux et poutres. De grandes traverses soutiennent les poteaux métalliques PRS (pour « profil reconstitué soudé »), reliés au sol par le biais de piliers en béton armé forés de diverses hauteurs et d’une profondeur moyenne de onze mètres, qui soutiennent les poutres. Dans l’axe du bâtiment, une galerie technique vient se loger entre la structure du plancher et le terrain, dans la hauteur des piliers en béton. Outre leur fonction essentielle de soutien, les pilotis formés par la hauteur des pieux forés permettent de loger une galerie technique longitudinale en maçonnerie sur dallage de béton armé. L’ossature est laissée partout apparente : il s’agit d’une évocation directe de l’aspect « cousu sellier » (à fils apparents), marque de fabrique de la maroquinerie Hermès. Les assemblages précis et ordonnés qui ont présidé à la conception du bâtiment industriel à vocation artisanale, se retrouvent dans la stricte rationalité orthogonale de la distribution : elle est régie par le hall aménagé sous la « nef », élément premier de la répartition des espaces, disposé transversalement dans le cinquième sud du bâtiment. A gauche du hall, un long corridor perpendiculaire traverse les espaces dans la longueur du sud au nord et irrigue cinq ateliers (quatre côté est, un autre côté ouest – jouxté par deux espaces de stockage) précédés par des couloirs latéraux formant vestibule, ouverts chacun sur un des quatre côtés des six patios (plantés de graminées) distribués régulièrement, dont les parois sont intégralement vitrées et sur lesquels les artisans en cuir bénéficient de vues directes. A droite du hall, un espace central (situé à mi-chemin du parcours dans le sens transversal) regroupe les activités événementielles, de part et d’autre duquel se situent des bureaux (côté voirie) et une vaste salle à manger offrant, comme les ateliers, une vue panoramique sur la vallée. Le cloisonnement intérieur est assuré par une ossature de profils d’acier avec remplissage de panneaux de bois contreplaqué simplement vissé à la structure. Le sol en béton B30, d’une résistance optimale pour ce genre d’ouvrages d’infrastructure, est couvert d’une résine. Toutes les teintes utilisées, en structure ou en placage, se coordonnent harmonieusement et trouvent leur prolongement dans les paysages changeant sur lesquels ouvrent les parois vitrées. De nombreux escaliers et rampes, outre celle de la passerelle d’entrée, optimisent la circulation dans ces espaces principalement concentrés sur le rez-de-chaussée : de part et d’autre de l’édifice, à l’extérieur, des rampes ménagées le long des façades latérales offrent un accès direct sur l’espace événementiel (au sud) et sur l’extrémité nord du couloir longitudinal. Depuis le hall, à l’intérieur, des volées d’escalier permettent l’accès au terrain en contrebas, que prolonge, dehors, une rampe d’escalier fendant la courbe de niveau en direction du cours d’eau ; cet accès direct permet en s’éloignant de découvrir le tapis de galets – répondant à ceux disposés dans les patios – ornant l’assise structurelle de cet édifice tourné vers tous les côtés du paysage dans lequel il prend place.

— Histoire

À l’aube des années 2000, la maison Hermès – ancienne maison de sellerie fondée en 1837 – doit répondre rapidement à la croissance de la demande en production dans le secteur de la maroquinerie, qui constitue une large part et un des emblèmes de son activité. Sous la conduite de son maître d’ouvrage délégué Luc de Vita, Hermès International instruit le dossier de consultation sur invitation lancée en 2002, pour le choix d’une équipe de maîtrise d’œuvre dans l’optique de la construction d’une manufacture de cuir. L’installation de cette nouvelle unité de production dans les Ardennes participe de la politique d’implantation régionale de la firme qui essaime à travers la France (Franche-Comté, Eure, Nouvelle-Aquitaine). L’ouverture prochaine (en 2022) d’une nouvelle unité de production à Tournes – à une quinzaine de kilomètres de Bogny-sur-Meuse – marquera une nouvelle étape de son implantation ardennaise avec l’augmentation de la capacité de production des sacs modèle Kelly et Birkin déjà confectionnés sur le site de Bogny par 250 artisans. En réponse à l’urgence imposée par la demande en production de sacs, les architectes proposent de réaliser une structure dont la phase de montage ne nécessite guère plus de huit semaines, auquel temps de montage s’ajoutent en amont et en aval les phases d’études et d’opération. Dès le mois de juillet 2002, les premières esquisses du projet bognysien sont livrées par l’agence des architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti, attributaires de la mission complète de maîtrise d’œuvre. Entre septembre 2002 et juillet 2003, ils élaborent les études techniques. La nouvelle manufacture est construite en une seule année (de septembre à septembre) et inaugurée en novembre 2004. Si la durée exceptionnellement brève du chantier laisse affleurer les notions d’efficacité et de productivité propres aussi bien à l’architecture industrielle qu’à l’activité dont elle doit servir d’écrin, celle de la qualité de mise en œuvre n’y est pas moins prégnante. Le projet élaboré par le cabinet d’architectes et ses collaborateurs opérationnels se présente aussi bien comme un des maillons de la chaîne de fabrication artisanale que comme une des vitrines de la marque : son implantation dans un cadre ouvert et verdoyant et sa conception simple et transparente forment les principales caractéristiques de cette construction à la fois tributaire d’une tradition ancienne et tournée vers l’avenir. Ce projet vaut aux architectes la nomination en 2005 au prix de l’Equerre d’argent. L’aspect épuré et très soigné de la structure installée à flanc de vallée et loin du siège de la marque constitue une rupture avec l’apparence souvent traditionnelle des édifices appartenant à des firmes de luxe anciennes, souvent implantées à Paris et dans des sites patrimoniaux (par exemple, les ateliers et boutiques de différentes marques situées place Vendôme à Paris). Si l’installation de manufactures en province correspond à une logique économique de délocalisation des sites de production, le parti-pris de diffusion d’une image non galvaudée pour leur réalisation, faisant appel à des architectes rompus à ce genre d’exercice, semble de plus en plus fréquemment adopté à partir des années 2000 : il implique la mise en œuvre délibérée de formes découlant de techniques de fabrication renouvelées et qui répondent au goût de l’époque pour les formes simples et les matériaux industriels, avec une inscription dans le paysage à la fois marquante – notamment pour leurs usagers – et respectueuse de la nature environnante. Le siège de l’UEFA établi au bord du lac Léman (2009) par les mêmes architectes, ou encore certains exemples de sièges ou de sites de production de maisons de champagne prestigieuses (siège de Piper-Heidsieck à Reims – 2007 – ; centre de vinification d’Oiry –2018) en sont des exemples non isolés.

— Adresse

Avenue des Marguerites
Bogny-sur-Meuse

Grand Est

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