Architecture remarquable — Auteur : — Description de l'édifice
La bibliothèque est adossée au mur gothique de l’aile sud du cloître et est bâtie sur l’ancien cellier voûté intégralement conservé en sous-sol. Elle évoque le volume de l’ancien réfectoire dont la façade est intégralement reconstruite du côté sud, donnant ainsi sur la place du Change. Ce nouveau bâtiment empiète sur cette place, dépassant ainsi les parois d’origine de l’ancien réfectoire. Une partie des pignons a été conservée et a déterminé l’appareillage mis en place pour construire la façade. S’ouvrant sur la place du Change, l’ancienne façade principale est construite en pierre et surmontée d’une corniche de béton supportant le chéneau de la toiture à deux versants. Elle présentait, lors de sa construction, une surélévation due à la hauteur de la voûte du cellier préservée en sous-sol. Ses ouvertures n’indiquaient pas spécialement sa vocation d’équipement culturel accessible au public. Cette façade est divisée en deux parties horizontales, qui se distinguent par un fenestrage différent sur chaque niveau. Au rez-de chaussée, une modénature accentuée soulignait les quinze baies, reparties autour de la porte d’accès, précédée d’un perron à double volée. Ces baies, séparées les unes des autres par un trumeau de béton, sont soulignées par un encadrement en ressaut, également en béton, dont l’appui est faiblement saillant tandis que la corniche supérieure est moulurée afin d’effectuer une saillie plus marquée et de souligner l’horizontalité de ce niveau. À l’origine, ce niveau, éclairé par ces baies, accueillait l’espace dédié aux lecteurs. Le second niveau est percé de dix-huit baies oblongues et étroites, à l’image de hautes meurtrières. Ces baies sont directement ouvertes dans le mur, sans aucune modénature venant les souligner. Cette disposition se justifiait par la localisation des réserves de la bibliothèque et la nécessité de limiter l’apport en lumière naturelle afin de préserver les conditions de conservation des ouvrages. La toiture était percée de treize lucarnes triangulaires. Sur le pignon occidental (rue Charles le Chauve) deux appareillages différencient les vestiges du réfectoire et la construction de Jean-Pierre Paquet. Ce mur était percé, à l’origine, de deux portes, l’une menant au cellier, l’autre au rez-de chaussée, accessible par un perron. La partie gauche de ce pignon était percée de trois baies oblongues correspondant aux niveaux de distribution intérieure de la bibliothèque. Le haut de ce pignon, comme son pendant à l’est, était couronné d’une fine moulure de béton qui surmonte le rampant saillant sur la toiture, donnant un effet de wambergue. En 2005, le bâtiment d’origine est ouvert sur son pignon oriental pour aménager une nouvelle entrée. Celle-ci, située dans le prolongement de la rue de l’Abbaye, est signalée par l’adjonction d’un volume contemporain en verre adossé au bâtiment de la reconstruction. Ce volume transparent nécessaire à l’implantation d’un ascenseur sans porter atteinte au bâtiment d’origine, laisse voir la vie intérieure et permet la mise en place d’un écorché archéologique qui donne à lire la complexité historique de l’édifice. Un travail sur la façade longitudinale du bâtiment de Jean-Pierre Paquet supprime l’accès originel et permet d’ouvrir largement le rez-de-chaussée vers la place en ajoutant trois nouvelles baies. L’intérieur du bâtiment est alors totalement restructuré. Ainsi, le cellier a été entièrement remanié pour lui redonner son volume médiéval et accueillir ponctuellement le public (sur inscription). Il abrite les collections d’archives patrimoniales de la bibliothèque. Les ouvertures permettant l’éclairage naturel qui avait été bouchées ont été réouvertes. À ses côtés, un magasin a été créé pour permettre le stockage d’ouvrage au cœur même de la bibliothèque. Un nouvel étage a été créé. Tous les niveaux, accueillent des espaces de lecture lumineux et spacieux sont disposés. La galerie Sud du cloître a été retravaillée pour être reliée à la bibliothèque et former un nouvel espace de lecture. Un espace de conférence a été conçu à un angle du cloître : il reprend le volume de l’ancienne salle du chapitre.
— Histoire
À la veille de la seconde Guerre mondiale, l’abbaye Saint-Corneille, située en plein centre-ville, place du Change, avait conservé la quasi-totalité de ses bâtiments conventuels, organisés autour d’un cloître du 13e siècle. En 1937, un projet de restauration de l’ensemble avait été proposé par J. Desmarets. Mais, en juin 1940, les bombardements allemands détruisent les bâtiments conventuels. En 1942, le devis établi par Jean Gossard, architecte à Compiègne, permet d’asseoir une base financière pour les indemnités de dommages de guerre. Mais en 1945, la fragilité des vestiges rend impossible la reconstruction à l’identique. Il faut attendre 1950 pour qu’une nouvelle fonction soit donnée à l’abbaye et qu’un projet de restauration se mette en place. En effet, la bibliothèque de la ville qui était logée dans l’ancien Hôtel-Dieu n’est plus ouverte au public depuis que celui-ci a été détruit par les bombardements de juin 1940. Par ailleurs, le fonds, qui se compose de la collection Vivenel depuis 1841, et de la bibliothèque du Château de Compiègne depuis 1875, a été rapatrié dans les combles de l’Hôtel de ville au lendemain du sinistre. Le poids des livres occasionne une surcharge dangereuse pour les planchers du bâtiment. Il est donc nécessaire de trouver un nouvel établissement pour la bibliothèque. Le projet de construction d’un nouveau bâtiment se fait sur proposition du service des bibliothèques de France au ministère de l’Éducation et la ville propose d’imaginer ce lieu dans les vestiges de l’ancienne abbaye Saint-Corneille pour pouvoir dans le même temps sauver ces bâtiments. Le budget est ainsi pris en charge par le service des Monuments Historiques, le service de l’Education Nationale, le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanismes et la ville de Compiègne. En 1951, la réalisation est confiée à Jean-Pierre Paquet, architecte en chef des Monuments Historiques chargé, entre autres, du département de l’Oise. Dans son plan, l’architecte ne conserve que le cellier (classé Monument Historique), et une partie des murs pignons de l’ancien réfectoire. En revanche, il propose de restaurer la moitié du cloître pendant l’opération. Les travaux commencent le 15 décembre 1953 et doivent s’élever à 25 043 442 francs. La maçonnerie est adjugée à l’Établissement SIS à Margny, la charpente à BOTEMO à Ribécourt. Le manque de crédits interrompt le chantier dès le printemps 1954. Cette interruption permet de prendre connaissance de l’état réel du bâtiment : les pignons sont fragilisés à cause de leur exposition à la pluie et au gel pendant quinze ans. Ils nécessitent donc un étaiement, des injections de béton et des reprises des pierres de taille. Par ailleurs, la découverte de nombreux souterrains oblige également à renforcer des fondations du bâtiment à venir. Ces difficultés retardent le chantier et la bibliothèque n’est inaugurée qu’en 1959. La réalisation de Jean-Pierre Paquet est alors saluée pour l’adaptation de la forme à l’usage et l’inscription urbanistique harmonieuse au cœur de l’îlot. La bibliothèque s’ouvre alors sur la place du Change par une porte à double vantail à laquelle on accède via un escalier à double rampe. En 2003, la municipalité décide d’agrandir cette bibliothèque. C’est l’occasion de restaurer l’ancien cloître afin de restructurer et de rénover le bâtiment de Jean-Pierre Paquet, notamment en déplaçant l’entrée sur la façade orientale. L’ensemble de ces travaux est réalisé par le cabinet Mauger. Au cours de cette opération, le cellier, témoignage authentique de l’ancienne abbaye, est restauré dans sa disposition originelle pour accueillir la salle de conservation et de consultation de la Réserve Précieuse. L’entrée du bâtiment est déportée sur le pignon donnant sur la rue de l’abbaye afin d’offrir un accès en plein pied. Sur la place du Change, l’escalier est supprimé. La bibliothèque Saint-Corneille nouvelle a été inaugurée le 15 décembre 2007.