
Boulangerie-Halle
Architecture remarquable — Auteur : — Description de l'édifice"La Boulangerie-Halle est située à Avricourt, village de moins de 700 habitants aux marches sud du Parc naturel régional de Lorraine. Traversé par la voie de chemin de fer Paris-Strasbourg, Avricourt présente la particularité d’être situé à cheval sur la frontière départementale entre Moselle et Meurthe-et-Moselle. La boulangerie est implantée dans une ancienne grange située au cœur du village, dans sa partie mosellane, entre la mairie et l’église. La grange s’élève sur une parcelle plate (Cote NGF 273) dont elle occupe toute la surface. Partiellement ruinée avant l’intervention de l’agence GENS, est une architecture simple de plan rectangulaire (env. 19 m par 25 m), elle s’élève sur deux niveaux et est couverte d’une toiture à deux versants. Alignée sur la rue, elle est adossée au sud à une maison d’habitation de même section tandis qu’au nord, elle présente un pignon donnant sur une venelle. Elle est typique des granges de Lorraine avec une importante profondeur (19 m) et une élévation sur rue marquée par deux grandes portes charretières, surmontées d’oculi. L’ensemble des façades sont en maçonnerie enduite traditionnelle. Sur le pignon sud et le mur arrière, elles ne sont conservées que sur un niveau et l’étage est complétée par un bardage de plaque de polycarbonate ondulé translucide. La toiture est une charpente métallique simple, typique des hangars agricoles actuels. Recouverte de tuiles en terre cuite brune, cette charpente ne repose pas à même le sol, s’arrêtant à mis hauteur de l’élévation. A l’est, elle pose sur l’arase du mur de la façade arrière, tandis qu’à l’ouest, elle s’ancre dans les maçonneries de la façade sur rue. Installés à mi-hauteur de l’élévation, des tirants viennent liaisonner les deux pieds de charpente pour contrecarrer les poussées horizontales. Ces tirants sont noyés dans le complexe du plancher bois, sauf au droit de la galerie couverte, où ils restent apparents. L’intérieur de ce « volume capable » est séparé en deux niveaux par un plancher bois libérant un espace toute hauteur de 3 à 4 m de large en retrait de la façade sur rue et du pignon nord. Coté rue, cet espace libre ménage une galerie publique couverte qui donne accès aux locaux. Coté pignon, il permet l’accès à l’étage. Le plancher est fabriqué de manière traditionnelle, avec des pièces de bois massif superposées : poutres, solives, plancher, isolants et plancher. Ce complexe d’une épaisseur proche d’un mètre est soutenu par 35 colonnes tournées, en bois massif, implantées selon une trame de 3 m de cotés. La jonction entre les colonnes et les poutres se fait par l’intermédiaire de chapiteaux également en bois massif qui ont une forme de sphère écrasée. Le sol est constitué d’un simple dallage en béton poli. Analyse architecturale La remarquabilité de la boulangerie-halle d’Avricourt est difficile à percevoir tant nous sommes habitués à qualifier d’architecture des objets facilement reconnaissables notamment par leurs « démonstrativité » techniques ou esthétiques. C’est sur cette référence commune que nous les différencions communément de ce que l’on pourrait qualifier de simple construction. Au premier abord, la boulangerie – halle est une construction banale. GENS l’indique sans détour : « Nous voulions que les gens qui entrent n’imaginent pas qu’il y avait un architecte à la base, pas plus qu’ils ne se doutent de l’époque de sa construction. » (Diez, 2023) Rien donc, au-delà de la grange, ne s’impose de prime abord comme une totalité esthétique. La remarquabilité de cette architecture se situe du coté de la stratégie urbaine développée avec le patrimoine immobilier de ce village puis dans un maniement très subtil d’archétypes architecturaux, de matériaux et de mise en œuvre. L’installation d’une boulangerie dans une grange communale en centre bourg est une décision alternative au raisonnement plus commun qui consiste à construire un commerce à l’entrée du village, moins cher et facilement accessible en voiture. Cette stratégie immobilière, qui participe à la reconquête des centres bourgs parfois en friche, est cependant difficile à mener notamment parce qu’il faut arriver à faire correspondre des édifices existants avec de nouveaux usages. Cela pose de manière aiguë des questions de surfaces, de structure, de normes, voire de financement. A Avricourt, la grange investie par le nouveau programme d’usage est de toute évidence bien trop grande. Le rapport notamment entre surface disponible et surface nécessaire est défavorable. L’équilibre économique de l’opération n’est a priori pas possible puisqu’il faut réhabilité toute la grange pour n’en utiliser qu’un quart. L’intervention architecturale de GENS, habitués à construire dans les communes rurales, permet de lever cette difficulté. Mieux, cette question devient l’origine et le résultat de leur processus de conception qui confère les dimensions techniques et esthétiques de cette architecture. Reprenant en quelques sortes la stratégie traditionnelle d’occupation dans les granges, les architectes abritent la boulangerie dans un volume clos inscrit à l’intérieur du vaste espace libre pré-existant. Toutefois, ce volume n’est construit comme une « boîte » isolée et chauffée dont le revers, tel un décor, ne serait pas traiter. Au contraire, en installant simplement un parquet sur le toit de la boulangerie, un escalier pour y accéder et un bardage translucide sur les façades pour l’éclairer, ils fabriquent à moindre cout les conditions minimales pour que le reste du volume de la grange puisse être utilisé à l’avenir. Cette superposition de programme, l’un définit, l’autre en devenir, devient également le superposition de deux archétypes architecturaux isotropes : respectivement la halle médiévale (la trame) et le hangar agricole (le plan libre). GENS s’en explique : « Le hangar est une structure isotrope dénuée de qualité spatiale spécifique et la grille en bois [la halle] constitue une autre structure isotrope. Superposées, ces deux isotropies absolument différentes sont pourtant très qualifiantes. L’isotropie n’est donc pas la neutralité. Ce constat offre une démonstration assez magistrale du rapport de la structure à la qualité spatiale » (Dana, 2020). Le concept architectural étant posé, les choix constructifs et esthétiques en découle avec rigueur et poésie, à base de matériaux standards et dans une économie de moyens qui caractérise l’œuvre de GENS. La halle (boulangerie) acquiert sa puissance évocatrice par sa seule structure frustre de bois massif que les étranges chapiteaux de bois rend unique. Non sans humour, cette structure accueille le décor iconique de faux bois qui aujourd’hui habille toute boulangerie francaise. Le hangar étant superposé à la halle, l’empilement d’archétypes est dès lors signifié dans sa présence constructive. On comprend maintenant pourquoi ses portiques métalliques ne reposent pas au sol : ils sont posés sur la halle. L’apparition, étrange au premier abord, d’une structure de bois barrant la partie haute des deux grandes portes charretières prend aussi son sens. Cette sorte d’écorché archéologique, à la fois plafond de la halle et plancher du hangar et qui traditionnellement aurait été habillé, est laisse apparent pour révéler cette superposition. Discrète, d’une banalité revendiquée par ses auteurs, la boulangerie-halle d’Avricourt n’en est pas moins une architecture. Une architecture intemporelle mais émouvante comme un lavoir de village devant lequel on s’exclame : « Quand même, c’était bien fait ! ». Elle est un exemple remarquable d’une tendance architecturale qui émerge comme réponse aux enjeux écologiques, démographiques et économiques, produisant des espaces où souvent l’architecte s’efface derrière l’architecture."
— HistoireLivré en 2019, la boulangerie-halle d’Avricourt figure parmi les œuvres significatives du trio qui constitue aujourd’hui GENS : Guillaume Eckly, Barbara Fischer et Mathias Roustand. En 2009, le collectif comptait également Jean-Baptiste Friot et Sylvain Parent. Ils s’étaient alors fait remarqué dans le cadre du concours national REHA-PUCA avec un projet de réhabilitation lourde de 168 logements sociaux à Tourcoing (59). En 2012, le même collectif est lauréat des AJAP 2012 (Albums des jeunes architectes et paysagistes), une récompense décernée par le ministère de la Culture à des professionnels de moins de 35 ans au regard de leur talent prometteur. Guillaume Eckly (né en 1979) est architecte, diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Vienne en 2002 après avoir débuté ses études à l’école d’architecture de Nancy et fait un échange Erasmus à Oulu en Finlande. Barbara Fischer (née en 1980) est architecte diplômée de l’école d’architecture de Nancy en 2007 et a fait un échange Erasmus à Valladolid en Espagne. Mathias Roustang (né en 1977) est également architecte diplômé de l’école d’architecture de Nancy en 2004 et son diplôme a reçu le Grand prix de l’Académie Stanislas. Associés depuis 2009, ils fondent la SARL GENS en 2019. Habitués des concours d’architecture, ils ont notamment réalisé le musée du sel à Haraucourt (2008-2011), le mobilier d’accueil du centre des congrès de Nancy, également label ACR (2013-2014), des logements à Velle-sur-Moselle (2013-2016) qui leurs ont valu d’être présentés au pavillon français de la Biennale de Venise en 2016. En 2019, ils livrent le funérarium Battavoine à Thionville (2016-2019) et terminent actuellement une médiathèque à Velaines dans la Meuse. Les œuvres de GENS sont régulièrement publiées dans les revues spécialisées et une exposition monographique leur a été consacrée en 2017 dans la Cité radieuse de Le Corbusier à Briey. Parallèlement, chacun des membres du trio développe, des activités plus ou moins intenses d’enseignement, Fischer étant notamment enseignante associée à l’ENSA de Nancy. Avec la boulangerie – halle d’Avricourt, GENS poursuit et perfectionne une œuvre en quête de dépouillement, aux prises avec la « banalité du quotidien », guidée par une forme d’économie de l’esthétique. Ils le disent : « Les idées coûtent cher. Nous cherchons à avoir le moins d’idées possible. » En effet, pour ces architectes, qui citent volontiers la démarche analogue de l’illustratrice Marion Fayolle, l’économie de l’esthétique permet de tendre vers le générique comme un objectif culturel : celui d’une architecture dé-remplie, inclusive, ouvrant un espace d’échanges et d’émotions. Chacun est libre de s’y projeter sans pour autant être dans un espace surdéterminé de préméditations trop visibles et suspectes. « Faire une architecture générique, ou complètement dé-remplie, tout le monde pratique cela et il y a un moment où plus rien ne se passe, expliquent-ils. Ce qui nous intéresse, c’est cette crête. Trouver la manière de radicaliser l’opération. Il faut que ce soit lisible culturellement et que ce soit aussi nettoyé qu’efficace. Que l’effet arrive de lui-même. » (Diez, 2023) A ce stade aucune œuvre de ces lauréats des AJAP n’a reçu le label ACR. Le propriétaire (commune), tout comme le locataire (boulangerie) se disent pleinement satisfaits de l’équipement réalisé. La salle haute (le hangar) est un espace en réserve d’affectation. En revanche, un cabinet médical va bientôt s’installer dans les deux travées libres restantes du rez-de-chaussée.
— Adresserue de la Chapelle
Avricourt
Grand Est
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