Architecture remarquable — Auteur : — Description de l'édifice
En fait l’affaire s’avérera compliquée : partie sur un programme de bureaux, induisant le parc de stationnement, on retrouve en fin de compte un immeuble urbain haussmannisant qui étage des commerces avec entresols, des bureaux et des logements. La parcelle étant traversante, on édifie à l’alignement ce qui donne un profil étagé sur la Canebière à quoi s’oppose un prospect en gradins sur la rue Thubaneau d’où, sur cette face Nord, un plan en avant-corps dont les ailes s’étagent régulièrement dans la manière d’Henri Sauvage. Se reculant ainsi, le bâtiment septentrional se rapproche de celui de la Canebière, aussi seront-ils reliés l’un à l’autre par un corps central où se trouvent les circulations verticales. Ce corps central dégage deux cours à l’est et à l’ouest. La particularité de ces cours est d’épouser la forme d’un fer à cheval, réduction du Britz Siedlung berlinois de B. Taut et M. Wagner en 1922. Compte tenu de l’épaisseur du bâti, la cour permet de traverser l’îlot et d’accéder aux cages d’escalier et d’ascenseurs. Le tracé courbe de la galerie principale relie la rue Vincent Scotto à la Canebière. Sa hauteur, de plus de 7 mètres, lui donne un caractère urbain. Elle devait fonctionner avec des bureaux et des commerces, envahie par les employés à heure fixe, la dominante résidentielle en fera un espace un peu déserté. Les commerces fermeront, remplacés par d’autres moins bien famés pour finalement être occupés par un commissariat… La galerie, même dans cet état de déshérence, évoque bien l’idée d’un bâtiment monde, d’univers moderne évoquant les buildings américains. On pourrait presque y croiser le détective américain Lemmy Caution. Dans cet univers modelé de courbures et de profils, l’architecture des façades, considérées ici comme des parois, se réfère au principe modulaire au sens « building » du terme : c’est-à-dire comme un substitut du mur-rideau développé aux États-Unis durant la guerre. Tout ici rejoint la grille de la façade à pan de verre, à ceci près que la résille est en béton. On ne sait qui de F. Pouillon ou de R. Egger – ce dernier étant très américanophile – développera ces lames verticales de béton placées tous les mètres. Cependant, l’idée d’une résille suspendue encadrant des surfaces vitrées est bien celle du « wallcurtain ». Les deux architectes réutiliseront avec bonheur le dispositif : R. Egger pour les logements de fonction du lycée Marcel Pagnol et F. Pouillon sur ses opérations parisiennes, l’attique de Pantin, les derniers étages de Buffalo, le Point du Jour, etc. De la façade noble, celle donnant sur la Canebière, on peut dire que « la moindre des difficultés aura été d’installer des appartements derrière une façade tramée de bureaux, celle qui abritera les locaux des architectes, ici on retrouve la manière opportune des auteurs ». (Jacques Sbriglio) La façade suit l’alignement de la parcelle sur l’espace public, dans une courbe continue, elle rend compte de l’étagement des divers programmes. Le rez-de-chaussée entresolé des commerces est à la fois autonome par l’usage des pavés de verre et dépendant par les divers aplombs urbains. Les logements répètent leurs contrevents de béton dimensionnés au plus fin de 7 cm, effilés mais fragiles. Seuls les retraits du profil urbain viennent interrompre cette texture. Mais la situation la plus singulière reste celle des bureaux aux premiers étages où la question du mur-rideau est manifeste. Sur deux étages, les lames de béton sont remplacées par une suite de nervures et de bandeaux métalliques rivetés célébrant une facture maritime et artisanale du matériau. Ainsi le mur-rideau est figuré sur la façade, désignant les activités libérales de l’atelier d’architectes. Ces dispositifs se retrouvent sur plusieurs immeubles marseillais de la reconstruction comme pour la poste de Rome de Charles Lestrade où l’on retrouve un double étage figurant un mur-rideau.
— Histoire
Le 28 Octobre 1938, l’incendie des Nouvelles Galeries situé face à l’Hôtel de Noailles où se déroulait le congrès radical en présence du président de la République Edouard Herriot, met en évidence l’incurie des services urbains des hôpitaux aux pompiers. Au total, 73 victimes qui vaudront à la ville une nouvelle mise sous tutelle en 1939, laquelle ne sera levée qu’à la Libération. La reconstruction du bâtiment participera au renouveau marseillais, les ruines de 1944 estompant celles de 1938. Aussi le bâtiment sera relativement bien reçu. On peut comprendre que plusieurs noms d’architectes figurent s ur l es cartouches des documents de 1947. J.L. Sourdeau, cosignataire, est président de l’Ordre des architectes, et F. Bart est un confrère estimé. Peut-être que Fernand Pouillon, âgé de 30 ans, diplômé en 1942, jeune architecte communiste sous la mairie de Christofol, et associé à René Egger, est-il considéré comme inexpérimenté, et ce malgré la bienveillance d’A. Perret.
— Adresse
73 avenue de la Canebière
Marseille 1er arrondissement