Architecture remarquable — Auteur : — Description de l'édifice
La piscine de la Kibitzenau est implantée en frange d’une zone peu bâtie affectée à un usage de loisirs, qui forme à l’échelle des quartiers sud de la ville un continuum paysagé orienté nord-sud. Elle s’inscrit au cœur d’une parcelle largement végétalisée, délimitée au sud par le cours d’eau Ziegelwasser, au nord par une voie ferrée en talus et à l’ouest par des terrains de sport et le centre d’entraînement du Racing Club de Strasbourg. Initialement occupé par des jardins ouvriers, le terrain de 2,5 hectares, permet une construction imposante bordée sur ses quatre côtés de pelouses, dans un quartier en pleine évolution démographique (4000 logements construits depuis 1945). À l’origine, la piscine s’inscrit dans un plan carré de 62 m de côté. François Sauer dessine un volume scindé en deux, dont la partie sud gagne en hauteur. La moitié sud accueille un bassin olympique et une tribune pour 450 spectateurs qui s’ouvrent sur une façade sud largement vitrée donnant sur les pelouses extérieures. La moitié nord du bâtiment abrite un bassin-école de 11 x 8 m et les annexes qui prennent place sur trois niveaux. Elles comportent, au rez-de-chaussée un vaste hall d’entrée autour d’un atrium, les vestiaires et les locaux des employés. Au premier étage se trouvent des vestiaires complémentaires, un logement de fonction, des bureaux et une galerie donnant accès aux gradins et au bar. Pour réduire les coûts, François Sauer conçoit cet édifice à l’aide d’une ossature en béton armé et de matériaux industrialisés : dalles de béton préfabriquées, poutres en béton armé de 1,8 m de haut reposant sur des poteaux métalliques ou en béton armé. Le dessin de la structure de l’édifice traduit cette partition programmatique et permet de grandes ouvertures au sud sur l’extérieur et la nature environnante. Le hall du bassin de compétition est constitué par des poutres de 34,1 m de portée prenant appui en façade sud sur des piliers cylindriques en acier remplis de béton, et à l’opposé sur des poteaux en béton armé. L’ensemble est renforcé par des tirants en béton armé situés à 6,8 m en arrière des appuis en béton armé. Cette proposition structurelle est un modèle de modernité en 1965. Le choix de la rénovation est de révéler le parti-pris des années 60 en révélant la structure existante et en installant un contraste entre le béton d’origine laissé brut et les nouveaux matériaux et couleurs : carrelage noir, murs et plafond blanc lumineux, bassins en inox. Ainsi, Dietmar Feichtinger décide de « garder la forme, facile à remodeler, de rendre hommage à la structure béton existante, notamment les poutres monumentales » et d’accentuer les rapports intérieurs extérieurs. Ceci explique le parti-pris de l’architecte consistant à couvrir l’entièreté du volume d’un revêtement miroir reflétant l’environnement boisé de la piscine et à repenser le dessin des façades de façon à ce qu’elles soient plus largement vitrées en partie basse. En termes d’usage, le projet de rénovation prévoit une extension au sud, par l’ajout d’une halle comprenant deux nouveaux bassins dans le prolongement du hall du bassin de compétition existant. Ce nouvel espace permet d’intégrer au complexe olympique une vocation ludique et familiale avec la création d’un nouveau bassin d’apprentissage et d’un bassin bien-être. Cette extension complète le volume existant, et ouvre directement sur la grande pelouse au sud, où sont installés des jeux aquatiques de plein air et une pataugeoire. Elle permet également de réorganiser complètement les usages de la moitié nord des annexes et de déplacer l’entrée du public vers l’angle nord-est de l’édifice où se trouve un nouveau hall en double hauteur.
— Histoire
Dans les années 50, la ville de Strasbourg manque d’établissements aquatiques couverts pour enseigner la natation. En effet, la ville possède de nombreux bains de rivière devenus inutilisables en raison de la pollution des eaux de l’Ill et du Rhin. Cette fermeture inattendue encourage le maire de Strasbourg Pierre Pfimlin à développer un programme d’aménagement sportif d’une ampleur exceptionnelle à l’échelle de la commune. La ville de Strasbourg ouvre un concours de « conception-construction » à deux degrés (en 2 phases) pour la conception d’un stade nautique municipal en 1959. L’objectif est de permettre le déroulement des compétitions de portée internationale aussi bien en saison froide que pendant l’été. Le programme est ambitieux et prend place au sud-est de Strasbourg à la lisière du quartier du Neudorf, sur le lieu-dit Kibitzenau. Sur un terrain de 5 ha bordé par la voie ferrée au nord et un cours d’eau au sud, il est convenu de construire un ensemble couvert (bassin olympique de 50x20 m, un bassin plongeoir, une tribune de 1 500 places) et un ensemble de plein air comprenant un bassin extérieur olympique, un bassin plongeoir, une tribune de 2 500 places, des jardins et terrains de sports, ainsi que des équipements extérieurs (vestiaires, douches municipales et restaurant-bar). La ville de Strasbourg est la première à envisager ce type de programme en France. Le jury du 12 juin 1961 est divisé en six commissions thématiques différentes composées des élus et des agents des services techniques de la Ville. Le premier prix est attribué à l’équipe Novarina (M. Novarina, R. Meyer et C. Calmettes architectes) pour sa « conception architecturale originale et moderne », mais la réalisation n’est pas engagée. En effet, les études techniques étant jugées incomplètes, la Ville s’inquiète des répercussions d’une mise en exécution. Ainsi, aucun projet issu du concours ne sera pas réalisé, et le conseil municipal opte pour une autre solution : « reprendre l’étude sur une autre base » avec le service architecture de la Ville. Le programme est revu à la baisse et les différentes parties du programme sont réparties dans différents quartiers de la ville afin de répondre plus rapidement aux besoins d’installations de natation. Une piscine couverte olympique est envisagée à la Kibitzenau sur le terrain initialement prévu par le concours, mais les bassins de plein air sont prévus au Parc du Rhin et à la Robertsau. Le service architecture est chargé de dessiner ces projets pour le 15 janvier 1962. Le nouveau programme de la piscine couverte de la Kibitzenau comprend un bassin olympique (50x20 m), une façade sud vitrée pouvant s’ouvrir sur une pelouse et une plage sud, un hall d’entrée, des vestiaires groupés et individuels, des locaux dédiés aux employés, une buvette, un logement de service, et éventuellement un bassin école de 12 x 6 m. Le projet est dessiné par le service d’architecture, et plus précisément par son architecte principal : François Sauer. Un avant-projet est soumis en mars 1962 et définit immédiatement les grandes lignes du projet : un plan carré, une ossature en béton armé avec remplissage en maçonnerie et en verre. Le conseil municipal décide de la mise en chantier le 10 décembre 1962 et la piscine est inaugurée le 20 février 1965. Le bassin de plein air envisagé pour compléter le stade n’a jamais été réalisé.